Cinquante ans après mai 68, le naufrage des syndicats étudiants de gauche

FIGAROVOX/CHRONIQUE – Pour Gilles-William Goldnadel, l’agitation qui règne dans certaines universités est une tentative ratée de rejouer mai 68. L’avocat y voit davantage le triomphe de la sottise que des intérêts populaires, dont les étudiants n’ont plus le souci depuis longtemps.

Certains semblant espérer un nouveau mai 68 en 2018, je souhaiterais par ces quelques lignes apaiser un peu leurs ardeurs.

Car si un demi-siècle sépare les deux moments, tout distingue les étudiants et spectateurs d’hier et d’aujourd’hui.

En revanche, ce qui n’a guère changé, c’est sans doute la complaisance du regard médiatique pour la sottise discursive et la violence des méthodes de ceux qui prétendent incarner le mouvement étudiant.

La sottise pour commencer, et l’ignorance pour continuer.

La revendication de certains étudiants hostiles à toute sélection d’obtenir au moins 10 de moyenne à leur examen (quand ce n’est pas 15 dans certaines facultés… «pour permettre aux étudiants de poursuivre le combat») ainsi que leur orthographe aurait dû déclencher un fou rire général.

Il n’en a rien été et la plupart des journaux ont repris sans état d’âme cette revendication paresseuse du droit à la médiocrité comme s’il s’agissait d’une doléance professionnelle normale et respectable.

S’agissant du mésusage de l’orthographe, je ne saurais trop recommander à mon lecteur rieur la visite du site de l’UNEF.

Le Canard Enchaîné qui a l’esprit blagueur s’est amusé à reproduire, entre autres perles de cancres:«des filières avec des qualités ou prérequis dont elles pensent disposer actuellement et tend à l’heure portée» (sic authentique).

On sent bien que 50 ans d’éducation par l’école syndicalisée sont passés par là .

Enfin et surtout, l’utilisation de la violence n’est relatée par les grands médias que de manière curieusement sélective et sans esprit critique.

C’est ainsi que l’attention médiatique, mais aussi judiciaire, s’est portée essentiellement sur les événements de Montpellier qui ont vu un commando cagoulé s’en prendre violemment à des grévistes bloquant sans droit les locaux universitaires. Le doyen Pétel, ordinairement très policé, a fait l’objet d’une mise en examen.

Au passage, et sans vouloir aucunement cautionner la violence exaspérée, nul ne m’empêchera de plaider les circonstances atténuantes, lorsqu’un État démissionnaire ferme les yeux et qu’une justice administrative, comme cela a été le cas samedi à Paris, a considéré que la demande d’évacuation déposée par l’UNI n’était pas justifiée par l’urgence…

En revanche, les très nombreux actes de violence et de tabassages commis par une minorité d’activistes d’extrême gauche ou tout simplement de voyous de banlieue dont on ignore le lien avec les facultés sont minorés ou passés sous silence. Seuls Le Figaro, et Le Parisien en surface, et la fâcheuse sphère de manière souterraine, les relatent sans détours.

C’est ainsi, par exemple, qu’à l’université Tolbiac de Paris I, des étudiants non-grévistes ont été passés à tabac pour avoir eu le front, aussitôt dénoncé comme national, de vouloir distribuer des tracts.

Toujours dans cette université, le local de l’UEJF (Union des Étudiants Juifs de France) a été mis à sac. Les activistes ont expliqué leur geste par des peintures murales antisionistes parfaitement explicites.

Triste ironie, il s’agit d’une organisation qui, s’agissant au moins de sa direction, est liée historiquement au Parti socialiste et à SOS-Racisme et a toujours eu pour politique de distinguer l’extrême droite et ses méfaits antisémites de l’extrême gauche et des islamistes mieux traités. Elle ne semble pas avoir été particulièrement créditée de ses efforts idéologiques.

À l’université de Paris VIII, la violence est endémique depuis plusieurs semaines. Déjà Le Figaro avait décrit les agissements violents d’un «collectif d’extrême gauche» qui a installé dans les locaux universitaires, avec l’assentiment implicite de la direction, des migrants illégaux et fait régner la peur parmi les étudiants.

Le journaliste avait reproduit certains slogans révélateurs des nouvelles inclinations de nos nouveaux «étudiants» occupants:

«Mort aux blancs», «France = Pédé», «femmes, voilez-vous!», ou encore: «beau comme une voiture de police qui brûle».

Plus récemment, et toujours à Paris VIII, la violence de la minorité d’extrême gauche a enfin été dénoncée au plus haut niveau politique par le premier ministre Édouard Philippe (sur France Inter le 5 avril) qui s’est notamment ému de ce slogan toujours inscrit sur les murs d’un amphithéâtre quelques jours après l’assassinat d’Arnaud Beltrame, et dans la même veine spirituelle que le précédent:«frappez vite, frappez fort, un bon flic est un flic mort!».

On est loin ici des slogans fleuris du mois du muguet 68.

Retour à l’université de Montpellier, après la tentative violente d’expulsion du commando anti-grévistes. Un article du Figaro du 6 avril indique que «200 bloqueurs ont pris le pouvoir». Le président d’université est impuissant. La situation serait burlesque si elle n’était pas pathétique: «Il est suivi dans ses faits et gestes par le Comité de mobilisation composé de quelque 200 bloqueurs, dans une faculté qui compte 20.000 étudiants. Impossible d’organiser des réunions, sinon secrètes: “Les bloqueurs ont décrété que toute parole, réunion, devaient être entendues par les étudiants. Nous sommes attachés à la liberté d’expression générale, mais également à la nôtre!”, lance un membre de la direction, qui décrit une “loi totalitaire”. Des montagnes de chaises et de tables interdisent l’accès au bâtiment. “Nous n’avons pas accès au bureau. Quand nous faisons venir nos étudiants pour signer des conventions de stages, c’est sous le regard inquisiteur des bloqueurs”.»

Un professeur déclare: «Les étudiants et les enseignants veulent travailler, mais ils ont peur d’être agressés physiquement».

Question: qui sont ces bloqueurs prêts à en découdre? Réponse: quelques étudiants lambda et beaucoup d’activistes d’extrême gauche, tendance France insoumise ainsi que des syndicalistes de Solidaires…

Alors que l’extrême gauche a manifestement les pieds partout, la main invisible de l’extrême droite est toujours agitée fantasmatiquement. C’est ainsi que Paul Allies, ancien doyen de la faculté de droit de Montpellier, a cru devoir publier sur Mediapart une tribune titrée avec nuance: «fascisme chic à la fac de droit».

Dans l’article du Figaro précité, un élu du syndicat Solidaires étudiant ne craint pas d’évoquer «une attaque menée par une milice fasciste» en citant tout à la fois l’UNI, un syndicat de droite installé, et la Cocarde, qui n’est pas une ligue patriotique agissant depuis 1934 mais une association gaulliste souverainiste créée en 2015…

Le pire est à venir, le vocabulaire militant utilisé par les étudiants gauchisants est souvent repris sans barguigner par la presse suiviste. C’est ainsi que tout étudiant exaspéré par le blocage ou les syndicats anti-grévistes, comme récemment à Dijon, sera cavalièrement étiqueté «d’extrême droite», par une certaine presse très à cheval sur l’étiquette…

Comme si, comme toujours, chez certains petits esprits formatés depuis 50 ans, celui qui s’oppose extrêmement à l’extrême gauche… ne pouvait être que d’extrême droite.

Ceci posé, il semblerait que la complaisance pour les activistes d’extrême gauche enragés habite davantage la presse conforme que le public désormais vacciné.

Car le prestige de l’étudiant contestataire n’est plus ce qu’il était.

Jadis, M. Toulemonde envisageait respectueusement l’étudiant comme un être cultivé. Aujourd’hui, il pense que tout le monde est plus lettré que lui.

Il y a 50 ans, la vulgate marxiste, le jargon trotskiste, l’expérience maoïste serinées doctement par les étudiants pouvaient encore impressionner le chaland. La cause du peuple est aujourd’hui dans le meilleur des cas une cause de fou rire pour les étudiants, ou parfois même de folle colère.

Le public comprend au moins confusément que l’étudiant violemment contestataire d’aujourd’hui est devenu méchant.

Les slogans crus du jour sont autrement moins poétiques que ceux d’hier au soir.

Fini, le stupide mais néanmoins bien intentionné: «Nous sommes tous des juifs allemands!». Au philosémitisme obsessionnel de pacotille a succédé désormais l’antisémitisme des quartiers et le racisme anti-blanc.

On est bien loin de l’UNEF soixante-huitarde d’un Jacques Sauvageot.
En revanche, on l’a vu, l’immonde «CRS SS» a trouvé des preneurs encore plus violemment vindicatifs.

Le prestige actuel des syndicats étudiants n’est pas plus reluisant.

On est bien loin de l’UNEF soixante-huitarde d’un Jacques Sauvageot.

L’UNEF attardée version 2018 n’impressionne même plus les journaux conformistes théoriquement les mieux disposés.

Exigences des temps nouveaux de la radicalité: l’organisation estudiantine tolère désormais des camps racisés façon Indigènes de la république, interdits aux blancs.

Durant des années, et notamment sous l’empire de sa secrétaire générale Caroline de Haas, théoriquement intraitable en la matière, de nombreux viols et agressions exercés par les cadres sur les militantes ont été passés sous silence.

C’est bien parce que les soi-disant étudiants bloquants pressentent qu’ils n’impressionnent guère par leur talent qu’ils en deviennent violents.

Leur enfer d’ignorance et d’intolérance est pavé de mauvaises intentions.

Gilles-William Goldnadel

Secrétaire National du CNIP à la Justice