Crétinisme bien-pensant

Voici que le petit monde de la pensée politiquement correcte s’agite et tente de monter une polémique à propos d’un simple constat fait par Claude Guéant : « toutes les civilisations ne se valent pas ». Vérité d’évidence, sinon pourquoi aurait-il fallu combattre le type de civilisation que le national socialisme ou le marxisme léninisme voulait imposer à l’Europe voire au monde ?

La civilisation Aztèque, riche sous certains de ses aspects, pratiquaient le sacrifice humain à grande échelle en se procurant les victimes chez les peuples indiens soumis. Doit-on dès lors admettre que les civilisations qui ne pratiquaient pas le sacrifice humain n’étaient pas préférables à celles qui le pratiquaient de façon habituelle ?

Et faut-il cacher le fait que les civilisations issues de l’Islam maintiennent la femme dans un état de soumission et d’infériorité peut compatible avec la dignité humaine ?

Interrogé par un journaliste sur l’antenne de RTL le Ministre de l’intérieur a tout simplement déclaré que les civilisations qui respectent la dignité humaine sont préférables à celles qui ne la respectent pas.

Le journaliste en question, digne représentant de cette profession, a évoqué le fait que le droit de vote n’a été octroyé aux femmes que fort tardivement en France, preuve selon lui de l’infériorité de notre civilisation. Ce qui était confondre l’état du droit positif à un moment donné avec la notion de civilisation. Le droit de vote a en effet été octroyé aux femmes en 1945, et par le Général De Gaulle. Pas précisément un homme de gauche. Et savait-il, cet éminent journaliste, que ce sont les majorités radicales-socialistes et socialistes qui, tout au long de la 3eme république, s’y sont farouchement opposé parce que les femmes étaient réputées être catholiques pratiquantes, ce qui aurait pu contrarier leur politique violemment anti cléricale et compromettre leur maintien au pouvoir.

Harlem Désir, jamais en reste, a bien sûr invoqué les Lumières et la Révolution. On pourrait lui recommander de lire ce que Voltaire écrivait sur Mahomet ou sur le peuple juif. Il constaterait ainsi que les références qu’il choisit ne sont pas aussi exemplaires qu’il veut bien le dire.

Quant à la révolution française elle a reconnu aux femmes le droit de se faire guillotiner, et ceci à grande échelle, sans leur accorder le moindre droit politique. Sublime délicatesse, quand les femmes étaient enceintes, on attendait la naissance de leur enfant pour les guillotiner aussitôt après !

Cette glorieuse révolution a aussi, excusez du peu, inventé les exterminations de masse, légalement organisées et encadrées, ce que Gracchus Babeuf a nommé le « populicide » et que l’on appellerait aujourd’hui génocide.

Mais constater que tout ne se vaut pas et que dès lors toutes les civilisations ne se valent pas est insupportable pour le relativisme de gauche ou de droite. Il suffit de se souvenir des déclarations ridicules de Renaud Donnedieu de Vabres au sujet du Musée du quai Branly « musée militant » qui affirmait l’égalité des cultures.

Appliquer la notion d’égalité aux civilisations et aux cultures n’a aucun sens. Elles ont toutes des richesses et des faiblesses. Elles varient dans le temps, elles évoluent et peuvent régresser. Quelle signification peut-il y avoir à affirmer que le tamtam et la musique de Jean-Sébastien Bach sont « égaux » ? Que les masques Maori et les sculptures de Michel-Ange sont « égales » ? Nous ne sommes ni dans le même ordre, ni dans le même temps, ni, précisément, dans la même civilisation.

La vérité est que la civilisation se bâtit lentement, qu’elle est fragile et que les civilisations peuvent se scléroser, tomber en décadence et disparaître ou sombrer dans la barbarie. Chacun connaît la phrase de Paul Valéry : « nous savons maintenant que les civilisations sont mortelles ».

On peut simplement remarquer que la civilisation née de la philosophie grecque et de la spiritualité judéo-chrétienne, a développé sur le plan spirituel, philosophique et social une notion de responsabilité personnelle qui a permis un grand développement des arts, des sciences, des techniques et de l’économie ainsi que des formes de gouvernement rétives à la tyrannie, dont la meilleure preuve est que, dès le Moyen-Age, Saint Thomas d’Aquin avait justifié le tyrannicide.

Rien ne permet de dire que ce dynamisme, qui a eu des dérives évidentes dans un sentiment de supériorité parfois insupportable, durera toujours. Au contraire, nombreux sont les signes d’essoufflement. Le relativisme ambiant y contribue largement.

Non Monsieur Désir, tout ne se vaut et ne s’équivaut pas. Sinon à quoi bon faire de la politique ? Et si tout se vaut et s’équivaut, il n’y a plus ni morale privée, ni morale publique. Plus que la loi du plus fort ou du plus malin. Malheur alors aux humbles et aux faibles. Et malheur à une civilisation européenne qui ne croit plus en ses propres valeurs. Mais a-t-elle encore un sens pour vous ?

 

Stéphane Buffetaut