Nicolas Sarkozy a respecté la Constitution

L’attaque d’Henri Emmanuelli contre Nicolas Sarkozy est politiquement vide parce qu’elle est juridiquement irrecevable.

Le Président de la République a envoyé le 26 juillet à chacun des parlementaires une lettre dans laquelle, pour résumer, il plaide pour la « règle d’or » qui pourrait être proposée à l’automne au vote du Congrès.

Monsieur Emmanuelli considère cette initiative comme contraire à la Constitution, tout en portant atteinte à la séparation des pouvoirs. Rien de moins !

L’argumentation juridique de Monsieur Emmanuelli repose sur l’article 18 de la Constitution. Dans les colonnes du « Monde », Monsieur Emmanuelli est rejoint par le Professeur Carcassonne que l’on a connu mieux inspiré.

Dans son premier alinéa datant de 1958, l’article 18 reprend le classique droit de message du Président de la République. C’est une tradition ancienne que l’on retrouve également dans les régimes présidentiels ou les monarchies. La France est allée plus loin depuis 1873 en interdisant l’entrée des chambres parlementaires au Chef de l’Etat. Il s’agissait à l’époque d’éviter que les Assemblées ne succombassent au charme d’Adolphe Thiers, se fut-il contenté d’une simple lecture de son message. Maintenue par la Constitution de la Vème République, ce refus de contact direct entre le Président et les parlementaires, critiqué dès 1963 par le Général de Gaulle, est apparu de plus en plus suranné.

La révision constitutionnelle de 2008 a enrichi l’article 18 d’un nouvel alinéa qui stipule que le Président « peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès ». Nicolas Sarkozy a utilisé une fois cette faculté.

Selon Messieurs Emmanuelli et Carcassonne, ces deux possibilités seraient limitatives. Je suis d’accord avec eux. En revanche, ils commettent une erreur de terminologie qui fait s’écrouler leur critique.

Ils évoquent tous deux à travers la lettre à l’évidence individuelle, une forme nouvelle de message adressé aux parlementaires.

Or, l’article 18 emploie des termes précis : les deux assemblées du Parlement (alinéa 1) et le Parlement réuni en Congrès (alinéa 2). Il n’est pas question des parlementaires en tant qu’individus mais d’entités constitutionnelles collectives. La nuance n’est pas faible. Si l’on suit la logique de Monsieur Emmanuelli, il faudra interdire au Président de la République de s’entretenir à l’Elysée ou ailleurs avec un parlementaire ou un groupe de parlementaires.

Franchissons encore une étape. La Constitution ne retient qu’une hypothèse dans laquelle le Président s’adresse à la Nation dans un message : celle prévue à l’article 16. On sait que celui-ci s’applique dans des circonstances exceptionnelles que l’on ne souhaite pas à notre pays de vivre. Faut-il aussi être « limitatif » ? Doit-on bannir les interventions du Président dans les médias, dans ses déplacements sur le terrain… ? Doit-on supprimer les voeux télévisés que la Constitution ne suggère pas ?

La logique des arguments de Monsieur Emmanuelli confine à l’absurde.

En outre, lorsqu’il demande la saisine du Conseil Constitutionnel, par le Président de l’Assemblée Nationale, Monsieur Emmanuelli se trompe de cible. Ce n’est pas la compétence du Conseil. Quant à envisager de saisir la Haute Cour, ce serait incontestablement la blague de l’été.

Parce que la contestation de Monsieur Emmanuelli, qu’il est en droit d’émettre, ne porte pas sur des faits tellements graves qu’ils méritent la Haute Cour.

Parce que surtout, je le répète avec force, le Président de la République en adressant cette lettre aux parlementaires n’a pas agi contre la Constitution. Il a seulement changé des habitudes, en cohérence avec sa lecture de la fonction présidentelle tout à fait conforme à l’évolution de nos institutions.

Gilles BOURDOULEIX
Député 
Président du CNIP